Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (ci-après « le Comité »), organe responsable de la surveillance de la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ci-après « la Convention »), a publié ses observations finales sur les huitième et neuvième rapports combinés du Canada en novembre 2016. Le Canada est partie à cette convention depuis son entrée en vigueur en 1981. Considérant que nous célébrions le 8 mars dernier la Journée internationale des femmes, il est opportun de résumer les conclusions de ce comité onusien à l’égard du Canada, afin de réfléchir aux succès et aux défis entourant le respect des obligations internationales du gouvernement canadien en matière de discrimination basée sur le genre.
Ces observations finales font suite aux rapports huit et neuf du Canada détaillant sa mise en œuvre de la Convention, à la liste des points à traiter du Comité suite à ce rapport combiné, ainsi qu’aux réponses du Canada à la liste des points à traiter. Elles représentent donc le résumé concluant ce cycle de rapport périodique du Canada à la Convention, cycle se répétant généralement tous les quatre ans conformément à l’article 14 de celle-ci [i].
Le Comité recommande l’adoption de plusieurs politiques publiques. Préoccupé par les lacunes en matière d’éducation aux femmes relativement à leurs droits reconnus par la Convention et son Protocole facultatif, auquel le Canada est également Partie, il recommande une amélioration des efforts en ce sens. Il recommande également la tenue de formations sur ces instruments aux juges, procureur-e-s et avocat-e-s, afin de pallier au fait qu’ils ne soient pas fréquemment invoqués en droit interne. Le Comité propose également plusieurs mesures pour améliorer la coordination entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en matière de mise en œuvre de la Convention.
Le Comité met également de l’avant plusieurs mesures à entreprendre pour répondre aux problèmes criants en matière d’accès à la justice touchant particulièrement les femmes et de violence basée sur le genre. Reconnaissant les efforts investis en matière de lutte à la traite et l’exploitation de personnes, le Comité note toutefois une préoccupation quant aux effets pour les travailleuses du sexe de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, adoptée suivant la décision Procureur général du Canada c. Bedford. La balle est aujourd’hui dans le camp du gouvernement Trudeau à ce sujet, ayant hérité de cette nouvelle loi controversée.
Le cabinet paritaire de ce gouvernement est d’ailleurs célébré par le Comité, qui note toutefois que la Chambre des communes compte seulement 26% de femmes, et le Sénat, 37.3%. En ce qui concerne l’emploi, il note les conditions discriminatoires auxquelles font face les femmes, notamment en matière de salaire, d’accès à des garderies abordables et d’harcèlement sexuel en milieu de travail. Le Comité dénonce également les permis de travailleur-e-s migrant-e-s qui soient liés à un-e employeur-e spécifique.
Ses critiques les plus sévères et se répétant tout au long des observations sont réservées à la violation des droits des femmes autochtones. Les recommandations incluent le fait qu’il faille se préoccuper du statut socioéconomique de ces femmes et ainsi agir aux sources de nombreuses de ces violations. L’on ne saurait trop insister sur l’oppression intersectionnelle particulièrement violente, implicite et explicite, vécue par les femmes autochtones au Canada.
Les observations finales du Comité offrent ainsi au gouvernement canadien des propositions concrètes d’actions à entreprendre, en reconnaissance du fait que la prohibition de la discrimination basée sur le sexe de la Charte canadienne des droits et libertés ne garantit aucunement que ce droit se voit protégé dans la vie quotidienne des personnes s’identifiant comme femmes au Canada, et que l’adoption de politiques publiques intersectionnelles en soutien à cet objectif est nécessaire.
Le Comité promeut également un droit positif fortement en faveur des droits humains liés au genre. Il souligne ainsi l’adoption par le Canada de récentes lois, telles que la Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux. Le Comité encourage également le Canada à adhérer à des instruments internationaux auxquels il n’est pas encore Partie [ii]. J’ajouterai que dans le contexte régional de protection supranationale des droits humains, le Canada, État membre de l’Organisation des États américains (OÉA), n’est pas signataire à la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention Belém Do Pará). Considérant qu’en vertu de son article 14, « [a]ucune disposition de la présente Convention ne sera interprétée comme étant une restriction ou une limitation de la Convention américaine relative aux droits de l’homme ou d’autres conventions internationales en la matière qui offrent une protection égale ou plus intégrale à la femme dans ce domaine » (mes italiques), il serait pertinent que le Canada reconnaisse ses lacunes toujours existantes en matière de discrimination basée sur le genre en adhérant à cet instrument supplémentaire.
Un élément majeur à souligner est la reconnaissance du Comité des contraintes structurelles qui contribuent au maintien de discriminations basées sur le genre. Il y fera allusion dans trois de ses recommandations. Le Comité recommande la mise sur pied d’un plan national de stratégies, politiques publiques et actions à entreprendre en matière de contraintes structurelles liées au genre, l’adoption de mesures visant à démanteler les obstacles structurels à la réalisation des droits politiques des femmes et à une participation active de celles-ci dans la sphère politique, ainsi que l’adoption de stratégies visant une représentation accrue des femmes aux études supérieures et plus spécifiquement dans les domaines au sein desquels il existe une surreprésentation masculine. Toutefois, je me dois de souligner que ces observations passent sous silence le caractère potentiellement oppressif d’une division binaire du genre. Il demeure que malgré son statut d’État Partie à la Convention, le travail du Comité est essentiel pour rappeler au Canada ses engagements en matière d’élimination de la discrimination basée sur le genre.
[i] Les États prennent bien sûr souvent du retard sur cette exigence. Le Canada a soumis ces rapports combinés en 2015, et avait précédemment soumis ses sixième et septième rapports également de façon combinée en 2007, pour la période de 1999 à 2006.
[ii] Soit : la Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail (OIT), la Convention (n° 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques de l’OIT également, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.