Le vent de Buenos Aires soufflera-t-il favorablement sur les négociations de l’OMC ?

 Par Geneviève Dufour et David Pavot

La réunion du groupe africain nous a permis de prendre la mesure de la fracture grandissante entre les pays développés et les pays en développement. Si ces deux groupes de pays s’opposent depuis longtemps, il semble que les uns et les autres évoluent plus que jamais dans des mondes parallèles. Selon les pays développés, le temps est venu de sortir de la dichotomie nord-sud, ce qui les porte à remettre même en question le fameux principe du traitement spécial et différencié. Pour eux, de nouveaux sujets de négociation doivent être abordés. L’Afrique a répondu d’une voix ce matin à cette vision : il n’est pas question que les pays développés imposent la négociation sur de nouvelles questions tant que les questions relevant du Programme de Doha pour le développement ne seront pas réglées. Il s’agit là d’un réel blocage. D’une part, les pays développés souhaitent ajouter à l’agenda de négociation le commerce électronique, les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et l’éternelle question de l’investissement. D’autre part, les pays en développement considèrent que le commerce doit être mis au service de leur développement. À cet égard, le groupe africain a évoqué une nouvelle problématique procédurale. Selon lui, la présente négociation s’avère imprévisible puisque des propositions sont sur la table sans avoir fait l’objet d’un consensus préalable. Dès lors, la pratique du consensus ne s’appliquerait plus dans l’adoption de l’agenda de négociation. Il s’agirait selon certains des suites de Bali et de Nairobi où les États ont accepté de négocier des textes qui n’avaient pas été officiellement mis au programme. Le groupe africain se réunit à nouveau demain. Nous suivrons avec intérêt la suite des discussions.

Dès la fin de cette réunion, nous avons sauté dans un taxi pour nous rendre à la réception donnée par l’ambassade du Canada. Le trajet qui devait nous prendre 10 minutes en a finalement pris 45. La ville est littéralement bouclée par les forces de sécurité et nos badges témoignant de notre accréditation n’ont pu nous permettre d’éviter les murs. La réception donnée par l’ambassadeur Fry en présence du ministre Champagne a été l’occasion de croiser la délégation du Canada ainsi que des membres de la société civile dans une ambiance décontractée. De ce que nous en avons vu hier et aujourd’hui, le Canada renvoie une image positive. On sait d’ailleurs que le Canada prépare un projet de décision sur le commerce inclusif et insiste particulièrement sur le rôle des femmes.

La journée s’est terminée par la cérémonie d’ouverture officielle de la Conférence ministérielle.  Longue et parfois même monotone, cette cérémonie a servi de tribune pour convaincre les 4000 personnes présentes de l’importance d’arriver à des résultats tangibles. D’ailleurs, les présidents de l’Uruguay, du Paraguay et du Brésil ont joint le Président argentin Macri sur la tribune pour insister sur l’importance du multilatéralisme. Leur présence explique probablement le fait qu’aucune ONG n’ait, malheureusement, pu assister à cette cérémonie.

Considérée comme la ville des vents favorables, Buenos Aires sera peut-être la première ville d’Amérique latine à donner des résultats concrets pour l’OMC. Pour l’heure, toutefois, rien n’est moins certain.

Ce billet a également été publié sur le blogue À qui de droit de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. 

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