Au cœur de la Cour internationale de Justice

Les mythiques arrêts de la Cour internationale de Justice (« CIJ ») laissent assurément une marque indélébile dans l’imaginaire de quiconque a étudié le droit international. Il n’est donc pas surprenant que le travail de la Cour exerce un grand attrait pour ceux qui souhaitent se diriger vers une carrière dans ce domaine. C’était certainement mon cas lorsque j’ai postulé pour travailler auprès de l’un de juges de la Cour – et l’expérience n’a pas déçu !

La CIJ, qui a son siège à La Haye (Pays-Bas), est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies. Elle a pour mission de régler conformément au droit international les différends que les États lui soumettent. Elle est également compétente pour donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser un certain nombre d’institutions ou organes internationaux. La CIJ est la seule juridiction au monde à avoir une compétence à la fois universelle et générale : elle est ouverte à tous les États membres des Nations Unies et peut connaître de toute question de droit international. De par cette caractéristique, la jurisprudence de la Cour revêt un grand intérêt dans plusieurs domaines.

Cette grande diversité et la place centrale qu’occupe la CIJ dans le système juridique international en font un endroit extrêmement stimulant pour y développer ses compétences en droit international. À cet effet, la Cour a mis en place certains programmes visant à offrir des opportunités à de jeunes juristes. Tout d’abord, le Greffe de la Cour offre des possibilités de stages d’un à trois mois à des étudiant-e-s et à de jeunes professionnel-le-s en début de carrière. Ces stages non rémunérés permettent d’acquérir une expérience pratique au sein du Département des affaires juridiques sous la supervision de fonctionnaires du Greffe.

Deux autres possibilités permettent également de travailler directement auprès de l’un-e des 15 juges de la Cour. Premièrement, la Cour procède périodiquement au recrutement de juristes adjoint-e-s de classe P-2. À l’issue d’un processus très compétitif, ces juristes généralement plus expérimenté-e-s sont affecté-e-s au service d’un-e juge pour une période allant de deux à quatre ans. La présence, au fil des ans, de plusieurs juristes adjoint-e-s issu-e-s du réseau universitaire québécois témoigne de la forte tradition en droit international au Québec. En deuxième lieu, les juges sont également appuyé-e-s par un-e second juriste recruté-e par l’entremise d’un programme de partenariat universitaire. Les universités à travers le monde sont ainsi invitées à présenter des candidat-e-s, généralement de jeunes diplômé-e-s, qui pourront être sélectionné-e-s pour travailler auprès d’un-e juge pour un peu moins d’un an.

C’est par l’entremise de ce programme que j’ai eu l’occasion de travailler à la Cour. Après avoir complété mon droit civil et ma common law à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, cette dernière a accepté de présenter ma candidature qui fut ensuite retenue par le président de la Cour, le juge Ronny Abraham.

Mon travail auprès du président Abraham ressemblait à plusieurs égards à celui des auxiliaires juridiques ou des avocat-e-s-recherchistes au sein d’une cour canadienne. Ramenée à sa plus simple expression, la tâche consiste à soutenir le juge dans l’exécution de ses fonctions. Par exemple, en coopération avec la juriste adjointe, j’effectuais des recherches et je rédigeais des mémorandums sur des questions juridiques ou des aspects factuels des affaires pendantes. J’étais également amené à faire des résumés portant sur les volumineux éléments de preuve soumis au dossier. La tâche ne se limitait toutefois pas aux affaires portées devant la Cour. J’ai également fait de la recherche et rédigé des documents visant à appuyer le président Abraham dans le cadre de conférences, de discours et d’autres engagements. Cet aspect fut d’ailleurs particulièrement enrichissant en raison des fonctions officielles et protocolaires du président qui l’amenaient à participer à de nombreux évènements.

Cette courte description de mon expérience demeure toutefois incomplète et imparfaite. Elle est incomplète puisque les détails exacts du travail effectué pour chaque juge doivent demeurer confidentiels. Elle est également imparfaite parce que, tout comme les postes d’auxiliaires juridiques au Canada, la nature du travail et le type de tâche varieront beaucoup en fonction des préférences et des habitudes de travail de chaque juge. De même, l’expérience au cours d’une année donnée sera fonction des affaires portées devant la Cour. Comparativement aux tribunaux canadiens, la CIJ entend très peu de causes, mais celles-ci sont généralement très complexes et impliquent une quantité gigantesque de documentation. En raison du nombre limité de dossiers et de la procédure généralement très lente, il sera plutôt rare de travailler en profondeur sur plus de cinq ou six affaires durant une année.

Cela va sans dire, cette expérience inouïe m’a permis de plonger au cœur de l’une des plus importantes institutions façonnant le droit international sur une base quotidienne. J’ai pu y observer l’application concrète de certains concepts parfois très théorique – pensons par exemple aux règles d’interprétation des traités ou à la formation de la coutume internationale. L’opportunité de discuter de questions complexes avec d’éminent-e-s juges fut également un remarquable tremplin pour développer mon projet de doctorat. Il s’agit donc d’une occasion à saisir pour quiconque souhaite voir de plus près le processus de création des mythiques arrêts de la Cour.

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