Compte-rendu : Les pandémies et le droit international : la réponse des organisations internationales

Photo : Conseil canadien de droit international

Les 29 et 30 octobre derniers se tenait le 49e Congrès annuel du Conseil canadien de droit international ayant pour thème Le droit international en 2020 est-il à la hauteur de la situation? Covid-19 oblige, le 49e Congrès comprenait une série de conférences virtuelles, en lieu et place des traditionnelles conférences à Ottawa, auxquelles la Société québécoise de droit international a participé. Présidés par le professeur Charles-Emmanuel Côté de l’Université Laval, les panélistes invités par la SQDI se sont prononcés sur Les pandémies et le droit international : la réponse des organisations internationales.

La professeure Geneviève Dufour, de l’Université de Sherbrooke, a en premier lieu abordé les actions et inactions de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) face à la pandémie. L’OMS a en effet été critiquée de toute part pour son manque de mordant et sa complaisance face à la Chine. Organisation onusienne spécialisée créée en 1948, l’OMS possède pourtant une capacité normative étendue puisque l’Assemblée mondiale de la santé, son organe décisionnel, a le pouvoir d’adopter des conventions avec une majorité des deux tiers de l’Assemblée. Son financement toutefois, composée de contributions volontaires des États ou d’acteurs privés, est famélique et l’OMS est donc dans l’incapacité de contrôler son budget ou d’avoir une prévisibilité à long terme sur celui-ci.

La professeure Dufour dresse un portrait en trois temps de la réaction de l’OMS face à la pandémie. D’abord, l’OMS a fourni un nombre considérable de guides sur de multiples sujets liés à la Covid-19 et a envoyé du matériel sanitaire d’urgence dans plusieurs pays. Elle participe aussi à l’essai clinique « Solidarity » sur les traitements contre la Covid-19, et coordonne le mécanisme COVAX pour favoriser un accès et une distribution équitable des vaccins. Les actions positives de l’OMS sont résumées par la professeure Dufour en 5 mots : accompagner, former, informer, colliger et recommander. Toutefois, l’OMS a omis de s’assurer que les recherches sur un vaccin contre les coronavirus continuent leur développement à la suite des épidémies de SRAS au début des années 2000. Elle a également omis de s’assurer que les États soient prêts à faire face à une pandémie tel que requis par le Règlement sanitaire international, en plus de ne pas condamner la Chine pour avoir négligé de notifier dans les 24 heures l’évènement d’urgence de santé publique que constituait le premier cas de Covid-19 en décembre 2019. 

Enfin, selon la professeure Dufour, l’OMS aurait dû être en mesure de s’appuyer sur des normes plus contraignantes à l’égard des États afin de pouvoir enquêter librement sur les cas de Covid-19, notamment en Chine. Si les États, par le biais de l’Assemblée mondiale de la santé, avaient adopté un règlement contraignant obligeant les États à donner accès à leur territoire aux experts de l’OMS pour qu’ils puissent effectuer leur enquête, la communauté internationale aurait potentiellement pu mieux se préparer à la pandémie. La professeure Dufour conclut ainsi que l’OMS et ses États membres se doivent de faire un sérieux examen de conscience afin de revoir les outils juridiques à la disposition de l’organisation internationale.

Anne-Marie La Rosa, avocate au sein du Bureau international du Travail, a en deuxième lieu abordé la réponse de l’Organisation internationale du travail (OIT). En effet, le monde du travail a été gravement affecté par la pandémie, subissant des pertes de travailleurs par la maladie, mais également des pertes d’emplois et des pertes d’entreprises. Une statistique particulièrement frappante est la perte totale en heure travaillée de 17% entre le dernier trimestre de 2019 et le deuxième trimestre de 2020, les travailleurs les plus vulnérables ayant été les plus affectés à ce chapitre.

Madame La Rosa note que l’OIT, première agence spécialisée des Nations Unies créée en 1919, a la capacité de mobiliser les actions qui peuvent faire une différence dans la vie des travailleurs en tant de pandémie. L’OIT possède en effet plus de 40 conventions internationales et recommandations qui encadrent les pratiques étatiques en matière de normes du travail, qui se doivent être doublement promus en tant de pandémie. Deux branches du droit travail sont particulièrement importantes pour répondre aux besoins des travailleurs lors de pandémies selon Madame La Rosa. La première est l’encadrement des lésions professionnelles. Comme il n’existe pas de risque zéro en matière d’infection à la Covid-19 sur les lieux du travail, il est primordial que les États aient une politique d’indemnisation efficace en cas d’infections. La deuxième branche est la protection contre le chômage. Plusieurs entreprises ont en effet dû fermer leurs portes, de manière temporaire ou permanente, laissant plusieurs personnes sans travail. Une politique de compensation permettant de maintenir un niveau de vie adéquat est nécessaire pour maintenir une sécurité sociale minimale. L’OIT possède des critères et recommandations dans ces deux branches.

Madame La Rosa a également utilisé l’exemple des chaines d’approvisionnement du textile au Bangladesh pour démontrer l’importance de la collaboration entre organisations internationales dans leurs interventions. Les chaines d’approvisionnement du textile ayant été perturbées par la Covid-19, l’Union européenne a versé plus de 93 millions d’euros dans un programme d’assistance sociale pour les travailleurs vulnérables. Le Bureau international du travail a quant à lui complété cette aide en créant un programme de soutien aux revenus pour d’autres types de travailleurs vulnérables, s’assurant de ne pas dédoubler le financement.

Madame La Rosa a terminé son intervention en précisant que les normes et le mandat de l’OIT doivent faire partie d’une action concertée au niveau international en temps de pandémie, et que les programmes de soutien aux revenus se doivent d’être accompagnés d’efforts et de mesures de renforcement des capacités nationales en matière de normes du travail.

En dernier lieu, Gabrielle Marceau, professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université de Genève et conseillère séniore à la Division de la Recherche du Secrétariat de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’est intéressée à la réponse de l’OMC face à la pandémie. Elle mentionne en avant-propos que les crises sont souvent des opportunités uniques pour effectuer des changements profonds.

La professeure Marceau a constaté que le rôle principal de l’OMC a changé en temps de pandémie, passant d’arbitre entre États à un rôle de gouvernance. En effet, l’OMC dans les derniers mois s’est concentrée à colliger toutes les notifications de mesures commerciales de relance des États, et à les publier sur le site internet de l’OMC. Ainsi sur la page « Covid-19 », il est possible de consulter les 259 notifications des membres en lien avec l’épidémie de Covid-19, comme l’élimination des droits de douane à l’importation de maïs et soja par la Colombie ou encore des restrictions à l’exportation en matière de masques, lunettes et vêtements de protection de l’Union européenne.

L’OMC a également accru son rôle de forum de coordination, de collaboration et de coopération entre États membres, les États échangeant les meilleures pratiques liées à la pandémie de Covid-19 au sein des différents comités et conseils spécifiques. Le Secrétariat de l’OMC a également fourni plusieurs analyses pour informer les gouvernements des pratiques des autres États et des impacts sur le commerce de la pandémie. Certains États se sont également entendus pour maintenir la connectivité des chaines de production, notamment dans le domaine de l’agriculture.

La professeure Marceau tire plusieurs leçons des actions de l’OMC face à la pandémie de Covid-19. D’abord, la pandémie a engendré une numérisation croissante et une expansion du commerce électronique. Ensuite, il doit y avoir un renforcement de la coordination des restrictions gouvernementales à l’exportation et à l’importation de biens médicaux, de produits alimentaires et des services médicaux, ainsi que des subventions et plans de relance des États. Enfin, il doit y avoir un réexamen de la nécessité de règles coordonnées an niveau international en matière d’investissements et de concurrence afin d’améliorer les chaines d’approvisionnement.

En conclusion du panel de la SQDI, le professeur Côté a relevé que bien que le droit international ne soit pas complètement à la hauteur des besoins liés à la pandémie de Covid-19, les organisations internationales ont tout de même su répondre à certaines problématiques.

 

 

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