Le 8 décembre 2020, la République démocratique du Congo (RDC) a procédé à la ratification de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE), devenant ainsi le 50e État africain partie à ce principal traité de protection des enfants en Afrique. Le processus ayant conduit à la ratification de la CADBE par la RDC aura été particulièrement long. En effet, alors que la RDC faisait partie des États ayant voté en faveur de l’adoption de la CADBE le 1er juillet 1990, ce n’est que le 2 février 2010, soit 20 ans plus tard qu’elle confirma sa volonté de respecter le but et l’objet de cette Charte en procédant notamment à sa signature. Après l’étape de la signature, il aura encore fallu attendre près de 10 ans pour que cet État décide de procéder au dépôt de ses instruments de ratification auprès de la Commission de l’UA conformément à l’article 47, paragraphe 2 de la CADBE. Ainsi, malgré les multiples appels pressants de l’UA invitant les États africains à ratifier rapidement la CADBE, il s’est écoulé près de 30 ans avant que la RDC ne consente définitivement à être liée par cette Charte et à la mettre en œuvre. Bien qu’ayant été longtemps attendue, cette ratification qui intervient au moment où se célèbre le 30e anniversaire de l’adoption de la CADBE augure des perspectives heureuses pour l’amélioration de la situation juridique des enfants en RDC, voire en Afrique de manière générale. La présente contribution jette un regard sur quelques principaux enjeux positifs que représente cette ratification.
Premièrement, en procédant à la ratification de la CADBE, la RDC enrichit et renforce le régime juridique de la protection des enfants relavant de sa compétence*. En effet, la Charte ainsi ratifiée conformément aux procédures constitutionnelles de la RDC fait désormais partie intégrante de la législation nationale de cet État. Les dispositions énoncées dans cet instrument lient donc dorénavant la RDC qui est juridiquement tenue de prendre toutes les mesures concrètes nécessaires pour permettre aux enfants de jouir des protections qui y sont consacrées. À l’occasion du dépôt des instruments de ratification de son État, le Directeur des affaires juridiques et du contentieux du Ministère des Affaires étrangères de la RDC a déclaré que la ratification de la CADBE démontre l’engagement et la ferme volonté de son État à garantir une protection juridique aux enfants. Dans un contexte où les enfants en RDC continuent d’être victimes des violations de nombreux droits qui leur sont dus (pour des exemples, voir ici), il est plus que jamais important que cet État donne davantage corps à cet engagement en prenant des mesures de nature législatives, institutionnelles ou de tout autre ordre pour mettre effectivement en œuvre les obligations énoncées par la Charte au bénéfice des enfants, en assurant la diffusion à travers l’ensemble du pays et, dans la mesure du possible, en langues locales des mesures de protection de l’enfance prévues par le cadre juridique de protection de l’enfance en vigueur dans ce pays et en veillant à ce que les violations de ces mesures de protection soient systématiquement sanctionner, quels qu’en soient les auteurs.
Deuxièmement, la ratification de la CADBE par la RDC contribue à la consolidation de l’autorité de la CADBE en tant que cadre juridique régional fondamental de la protection des enfants en Afrique. En effet, cette ratification supplémentaire vient conforter la portée quasi universelle des obligations et protections incorporées dans la Charte, même si l’on peut déplorer le fait que l’adhésion de la quasi-totalité des États africains à cet instrument ait en réalité été particulièrement lente. De fait, l’entrée en vigueur de la CADBE qui était conditionnée par sa ratification par 15 États n’a été obtenue que neuf ans après son adoption, soit le 29 novembre 1999. Par ailleurs, il aura fallu que deux décennies s’écoulent pour que l’on enregistre 35 ratifications supplémentaires sur un total de 40 ratifications attendues. Ce délai nous paraît particulièrement long quand on considère que seulement 6 ans après son adoption, la Convention relative aux droits de l’enfant avait déjà été ratifiée par l’ensemble des États africains. Quoi qu’il en soit, on peut se réjouir aujourd’hui de ce que la CADBE jouisse dorénavant d’un véritable caractère quasi universel, ce qui permet de penser que l’on s’achemine, certes encore lentement, mais progressivement vers une mise en œuvre effective et totale de cet instrument. Tel que cela est consigné dans l’Agenda 2063 de l’UA, « la mise en œuvre totale » de la CADBE devrait permettre aux enfants africains de « se réaliser » (para 53), ce qui en retour, leur permettrait de mettre leur potentiel au service de la croissance et du développement du continent africain. Par ailleurs, il n’est pas inutile de relever que le caractère quasi universel que revêtent maintenant les protections énoncées dans la CADBE pourrait favoriser l’émergence de nouvelles coutumes régionales africaines équivalentes, lesquelles viendraient renforcer davantage le régime juridique régional africain de protection des enfants.
Troisièmement, du fait de la ratification de la CADBE par la RDC, le champ d’intervention du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (Comité africain des droits de l’enfant) se trouve élargi, ce qui pourrait par ailleurs contribuer au renforcement de l’autorité et de la visibilité du Comité en tant que principal organe continental en charge de la promotion et de la protection des droits de l’enfant en Afrique. Mis sur pied conformément à l’article 32 de la CADBE pour assurer la promotion et la protection des droits qui y sont consacrés (article 42 de la Charte), le Comité ne peut cependant exercer ses activités de contrôle de la mise en œuvre de la Charte, qu’il s’agisse de l’examen des rapports, de l’examen des communications, ou encore des missions d’enquête, qu’à l’égard des États qui y sont parties. Aussi longtemps qu’un État n’accède pas à la Charte, le Comité africain des droits de l’enfant ne peut exercer sa compétence à l’égard de celui-ci. La ratification par la RDC de la CADBE dont le contrôle de la mise en œuvre est assuré par le Comité, offre donc désormais une solide base juridique à ce dernier pour déployer toute son action de contrôle et de surveillance à l’égard de la situation des enfants en RDC et, ainsi, apporter sa contribution à l’amélioration de la condition de ces derniers.
En somme, l’un des objectifs fixés dans l’Agenda 2040 pour les enfants d’Afrique élaboré par le Comité africain des droits de l’enfant était que la CADBE « rencontre l’adhésion » des 55 États du continent africain (p 9). La ratification récente de la RDC qui porte à 50 le nombre total des États africains parties à cet instrument est un signe que les efforts déployés en vue de l’atteinte de cet objectif portent progressivement leurs fruits. Alors que nous sommes rendus à 20 ans de l’échéance de la période fixée pour l’atteinte de cet objectif, on ne peut qu’espérer et souhaiter que ses efforts soient poursuivis et renforcés afin d’inciter les cinq États retardataires, notamment le Maroc, la République arabe sahraouie démocratique, la Somalie, le Soudan du Sud et la Tunisie à suivre l’exemple de la RDC. Par ailleurs, au-delà de la ratification de la Charte, il est important que les États qui détiennent la responsabilité première d’assurer la protection des enfants, ainsi que tous les autres acteurs intéressés prennent toutes les mesures nécessaires en faveur de la réalisation effective des protections et garanties énoncées dans cet instrument en faveur de l’enfant africain. Il en va notamment de l’avenir de l’Afrique.
* Ce régime comprend principalement la Constitution de la RDC du 18 février 2006, la Convention relative aux droits de l’enfant, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et la Loi n°09/001 du 10 janvier 2009 sur la protection de l’enfant.