L’action de l’ONU en matière du désarment et non-prolifération nucléaire

La prolifération nucléaire a évolué comme conséquence de l’interaction de plusieurs facteurs qui varient selon chaque cas. En général, on peut dire que les éléments clés dans ce phénomène étaient, d’une part, les progrès technologiques et les transactions réalisées dans les dernières décennies, et d’autre part, on trouve les motivations stratégiques des pays pour leur sécurité nationale et leurs ambitions hégémoniques.

On est face alors à une arme très dangereuse, dont la prolifération, le commerce et le développement sont réservées à quelques pays qui prétendent la contrôler au détriment de la sécurité internationale. Il s’agit là des États nucléaires reconnus par le Traité sur la non-prolifération nucléaire en tant qu’États légitimes à posséder ces armes. Ces États sont en même temps membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies ; l’organe responsable à préserver la paix et la sécurité internationale. Tandis que les nouveaux États nucléaires défendent leur droit eux aussi de posséder ces armes. D’autre part, d’autres États, comme le cas de l’Iran, revendiquent leur droit de développer un programme nucléaire civil sans limitations techniques et politiques imposées par l’AIEA et les puissances nucléaires.

L’élément qui complique de plus en plus cette réalité, c’est que les armes nucléaires jouissent d’un vide juridique, dû à l’absence d’une interdiction explicite en Droit International. Cette ambigüité a soulevé des soupçons, et elle a donné lieu à plusieurs interprétations contradictoires, en provoquant ainsi plus de polémiques et divisions sur la matière.

Depuis la création de l’Organisation internationale des Nations Unies, son Assemblée Générale poursuivait l’élimination des armes nucléaires par plusieurs voies. A côté de la demande d’avis à la Cour Internationale de Justice sur la menace et l’illicéité des armes nucléaires, l’Assemblée Générale a favorisé l’établissement de plusieurs traités multilatéraux sur le désarmement et la non-prolifération nucléaire. En outre, l’organe plénière de l’ONU avait adopté plusieurs résolutions qui condamnent cet armement et interdisent sa prolifération.

Bien qu’elle ait une responsabilité subsidiaire (en vertu des articles 10, 11 et 14 de la Charte des Nations Unies), l’Assemblée Générale a élaboré une véritable doctrine du désarmement et du non-prolifération nucléaire. La première résolution dans cette matière date du 24 janvier 1946, par laquelle était fondée la Commission de l’énergie atomique. Cette résolution prévoit l’élimination de toutes les armes de destruction massive.

Face au précaire rôle joué par le Conseil de Sécurité, la méfiance et les rumeurs entre ses membres, l’Assemble Générale a essayé de combler cette lacune en agissant activement à travers l’adoption des résolutions. Le point de départ de sa véritable implication avait été sa première session extraordinaire de 1978 consacrée au désarmement. Le document final de la résolution adoptée définit les objectifs généraux du désarmement, en mettant l’accent sur l’approche multilatérale et la création d’instances de désarmement universelles et la conclusion d’un traité sur le désarmement général sous un strict contrôle international.

Ensuite, l’Assemblée a adopté plusieurs autres résolutions pour le même objectif. On trouve dans ce sens : la Résolution 1653 (du 24 novembre de 1961 qui condamne les armes nucléaires, et qui considère l’utilisation des armes nucléaires et thermonucléaires contraire à l’esprit et l’objectif de la Charte des Nations Unies. La Résolution 2936 (du 29 novembre 1972) sur l’interdiction de l’emploi des armes nucléaires. Les Résolutions numéro 33/71B (du 14 décembre de 1978). La Résolution 34/83G (du 11 décembre 1979) et la Résolution 36/92I (du 9 décembre 1981) qui insistent sur la non utilisation des armes nucléaires et la prévention de la guerre nucléaire. La Résolution 44/117C (du 15 décembre 1989). La Résolution numéro 45/59B (du 4 décembre 1990) et la Résolution 46/37D (du 6 décembre 1991sur l’interdiction de l’emploi des armes nucléaires. Et finalement la Résolution 36/100 (du 9 décembre 1981) sur la prévention d’une catastrophe nucléaire.

En parallèle, depuis la première session spéciale de l’Assemblée Générale sur le désarmement de 1978, l’Organisation des Nations Unies s’est dotée des organismes qui travaillent sur plusieurs niveaux. Dans ce sens, il convient de souligner le rôle de la Commission de Désarmement des Nations Unies (CDNU ou CD) qui est un organe délibératif, sans compétence de prendre des décisions juridiquement contraignantes, mais elle peut réaliser des recommandations sur les questions de désarmement. Au fil des années, la CDNU a formulé des principes de consensus, des lignes directrices et des recommandations sur un certain nombre de sujets, qui étaient approuvés par l’Assemblée générale.

L’autre organisme intéressant dans cette matière est la Première Commission de l’Assemblée Générale des Nations Unis (PCAGNU). Il se charge chaque année de discuter et de présenter des propositions pour leur vote à l’Assemblée Générale. De sa part, la Conférence sur le Désarmement est le principal forum de négociation multilatérale dans ce domaine. Elle compte avec la participation de 65 membres qui se réunissent à Genève sur plusieurs périodes de sessions annuelles, parue en 1979 comme résultat annuel de désarmement de l’Assemblé Général, de 1978, déjà en 1982 il se restructurait comme étant la Conférence de Désarmement, conformément à la Rseolution37/99K de l’Assemblée Général, le 13 décembre 1982. Son fonctionnement se base sur le consensus pour garantir le plein appui des accords établis.

Finalement, le Bureau des Affaires de Désarmement des Nations Unies (BADNU) est un autre organisme subsidiaire de l’Assemblée Générale, crée en 1982 et organisé en cinq subdivisions. Cet organisme œuvre pour la lutte contre le désarmement nucléaire et la non-prolifération, ainsi que pour le renforcement des régimes de désarmement des autres armes de destruction massive, telles que les armes chimiques et biologiques. Il encourage également les efforts de désarmement dans le secteur des armes conventionnelles, notamment les mines terrestres et les armes légères, très utilisées dans les conflits contemporains. Le Bureau appuie le Secrétaire Général des Nations Unies, ainsi que les autres organes de l’ONU pour le désarmement et les traités qui n’ont pas une structure propre – comme il est le cas du TNP – en plus de l’Institut des Nations Unies pour la Recherche sur le Désarmement (UNIDIR), consacré à la publication des études et rapports sure cette matière.

Au sein de ces instruments, sont créés des projets qui avaient abouti à plusieurs traités de désarmements. Parmi lesquelles, on trouve le Traité sur la non prolifération des armes nucléaires (TNP), (en vigueur depuis le 5mars 1970), et le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN), ouvert à la signature le 24 septembre 1996, n ‘est pas toujours entré en vigueur (il requiert la ratification de 44 États, pour le moment le traité a été ratifié par 36 États. Et plus récemment le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) adopté en 2017 et qui va entrer en vigueur officiellement le 22 janvier 2021 après la ratification par le cinquantième État ; condition requis par son entré en vigueur. Ces traités représentent la législation internationale la plus importante que la communauté internationale ait pu atteindre jusqu’à présent.

Cependant, le non respect des États et le caractère non universel de ces traités et accords multilatéraux contribuent à l’augmentation du scepticisme d’une partie des États de la communauté internationale par rapport à l’inefficacité du système multilatéral et de coopération internationale. L’expérience récente a soulevé plusieurs soupçons sur l’efficacité de ces forums multilatéraux pour réduire la menace de la prolifération des armes nucléaires.

Parmi les grands problèmes nous trouvons, en premier lieu, la non-universalité des traités, due au refus des États d’adhérer à un traité. Bien qu’il existe un large consensus international en faveur de l’universalisation et l’accomplissement des engagements qu’ils contiennent, l’adhésion des États à ces instruments est volontaire. Jusqu’à présent, la communauté internationale est entrain de négocier des traités qui pourraient jouer un rôle clé dans le désarmement et la non-prolifération nucléaire, comme c’est le cas des traités sur les zones exemptes des armes nucléaires (Moyen Orient, la Péninsule Coréenne ou l’Asie Nord oriental) et le Traité sur la production de matière fissile. Cependant, les États ne se sont pas convenus à des accords sur ces sujets. Ces initiatives affrontent plusieurs difficultés, la plus importante c’est le manque de volonté politique.

L’autre obstacle dans cette matière réside dans la possibilité de dénonciation ou le retrait des États Parties. Le droit de se retirer est prévu dans les instruments internationaux, mais le problème c’est qu’il n’y a pas de garanties claires pour accomplir ces clauses. Dans ce sens, la question du retrait de la Corée du Nord du TNP a mis en évidence l’envergure de cette lacune, en absence de mesures qui clarifient les circonstances qui permettent le retrait d’un État Partie d’un traité de cette nature.

L’autre problème qui entrave l’efficacité de ce système est le non respect des États parties des dispositions de l’accord. Un exemple dans ce sens ; sont les progrès du programme nucléaire de la Corée du Nord qui faisait partie du TNP, et la problématique du programme nucléaire de l’Iran. En outre, il s’ajoute à cela, le manque de volonté des puissances nucléaires pour se défaire de leurs armes nucléaires (le désarmement). Ce problème augmente la méfiance de la communauté internationale et, par la suite, il affecte la sécurité juridique et l’efficacité de ces instruments.

D’autre part, on peut considérer que l’abondance des traités et le cadre de régulation influe négativement sur le fonctionnement du régime de non prolifération et de désarmement. L’existence de plusieurs instruments internationaux crée des obstacles politiques et techniques pour son accomplissement. Pour cela, au cours des dernières années, les demandes pour unifier ces instruments et établir un cadre unique qui réunit tous les États ont augmenté.

Face à cette situation, au cours des dernières années de nouvelles initiatives multilatérales -mais pas universelles – sont apparues hors le cadre des traités et des institutions internationales. Il s’agit là des coalitions volontaires des États, qui cherchent un cadre de non- prolifération plus efficace et dont les mesures de non accomplissement sont plus coercitives. Évidement, cette réalité affaiblit le régime universel et par ricochet, le rôle des Nations Unies.

 

Références

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[1] Anass Gouyez Ben Allal, Docteur en Droit international et Sciences Politiques de l’Université Autonome de Madrid, Professeur visiteur a la faculté de Droit de Tanger/Maroc, Université Abdelmalek Essadi, Co-directeur exécutif de la Revue Paix et Sécurité Internationale.

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