Depuis les émeutes de Sewoto en Afrique du Sud, le 16 juin de chaque année marque la journée mondiale de l’enfant africain. Pour l’année 2021, cette journée a été célébrée autour du thème suivant : « 30 ans après l’adoption de la Charte : accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 2040 pour une Afrique digne des enfants ».
L’objectif ainsi fixé par les États africains est de réaliser d’ici 2040, un certains nombres d’aspirations en vue de garantir une protection efficace des droits de l’enfant en Afrique. Parmi les vœux affirmés, l’Union africaine accorde une place de choix au renforcement du Comité africain des droits de l’enfant, afin qu’il soit le principal protecteur des droits de l’enfant.
Il sied de mentionner que le Comité constitue un pilier fondamental dans l’application de la Charte africaine des droits de l’enfant. En tant que mécanisme de contrôle mis en place depuis 2001, il est habilité non seulement à examiner les rapports périodiques des États, mais aussi à recevoir des communications contre les États pour des allégations de violations de la Charte.
L’intérêt d’une telle procédure est de permettre au Comité de suivre la mise en œuvre de la Charte, ainsi que de constater les violations des droits de l’enfant en vue d’améliorer le cadre de protection régionale.
Cependant après 20 ans d’existence, il apparait intéressant de porter un regard rétrospectif sur l’activité du Comité afin de se projeter sur l’accomplissement de l’Agenda 2040.
La contribution à l’objectif de protection des droits de l’enfant en Afrique.
Depuis sa création, le Comité africain des droits de l’enfant a connu deux importants succès qui s’inscrivent dans le cadre de l’amélioration des droits de l’enfant en Afrique :
La remise en cause de certaines pratiques préjudiciables pour l’enfant.
À travers l’adoption de la Charte africaine des droits de l’enfant, les États africains ont reconnu la nécessité de garantir aux enfants des conditions de dignité de liberté et de sécurité. Toutefois, cette volonté demeure entravée par certaines pratiques néfastes repandues dans les sociétés africaines.
Qu’elles soient culturelles ou sociales, il faut reconnaitre que ces pratiques négatives ont de graves répercussions sur la croissance et le développement de l’enfant. Par conséquent, il apparait indispensable d’œuvrer pour leur abolition.
Dans cette démarche, le Comité africain des droits de l’enfant a rendu deux décisions révolutionnaires en réaction aux pratiques de l’esclavage et de la mendicité des enfants. Dans la première décision, l’organe régional, n’a pas manqué de relever combien la réduction en esclavage affecte la jouissance de certains droits de l’enfant, tels que le droit à l’éducation, à la santé et à la liberté. En ce sens, il a affirmé la nécessité de prendre des mesures plus larges pour éradiquer l’esclavage des enfants, notamment en prévoyant une protection spéciale pour les enfants victimes et en faisant de la lutte contre l’esclavage une priorité.
En ce qui concerne la mendicité, le Comité a reconnu le caractère forcé du phénomène des talibés. Il ressort que plusieurs enfants sont obligés de mendier dans les rues, non seulement pour satisfaire sous peine de châtiments les besoins de leur marabout, mais également pour se nourrir. La pratique démontre que certaines écoles coraniques constituent un terreau sur lequel se développent l’exploitation, les abus et la délinquance en raison de la faible considération des droits des enfants.
Devant la situation, le Comité, dans une posture moderniste, opte pour une formalisation des écoles coraniques en exigeant qu’elles soient régies par des normes relatives à la santé, à la sécurité, à l’hygiène et à l’éducation. Malgré l’immensité du défi, cette décision constitue un grand pas dans la lutte contre la mendicité des enfants.
Le développement progressif d’un cadre de protection régionale.
Dans sa mission de promouvoir et de protéger les droits consacrés par la Charte, le Comité s’est permis d’établir des règles et des principes visant à protéger davantage les droits de l’enfant à travers l’élaboration de plusieurs observations générales qui clarifient et développent la nature des obligations.
À ce jour, le Comité a adopté 6 observations générales portant sur des sujets pertinents de la Charte tels que le mariage des enfants, les responsabilités des enfants, le nom et la nationalité, la protection des enfants dans les conflits armés…
Ces observations constituent ainsi des sources supplémentaires aux dispositions de la Charte. Non seulement elles fournissent des directives d’interprétation, mais aussi elles facilitent la mise en œuvre des droits de l’enfant. En outre, elles peuvent impulser l’évolution de la protection des droits de l’enfant.
Sur la question de leur portée juridique, il importe de relever que le Comité a reçu, de la part des États, le mandat de formuler des règles de protection des droits de l’enfant. De ce fait, même si les actes émis par le Comité ne sont pas à caractère contraignant, il demeure important pour les États de s’y conformer sur la base du principe de bonne foi. Cela permettra d’affirmer la volonté d’atteindre les objectifs fixés par l’agenda 2040.
Toutefois, ces différents développements ne doivent pas occulter les faiblesses du Comité.
Les limites liées au contrôle de l’application de la Charte.
L’analyse de l’activité du Comité fait ressortir deux défis majeurs en matière de contrôle de l’application de la Charte :
L’inefficacité du mécanisme de plainte contre les États.
Jusqu’en 2014, le Comité africain est resté, à l’échelle mondiale, le seul organe de traité relatif aux droits de l’enfant autorisé à recevoir des communications contre les États. Pourtant, cette opportunité n’a pas été largement saisie par le continent africain, car le mécanisme de plainte demeure sous-exploité malgré l’accessibilité qu’il offre aux individus et aux organisations de la société civile.
En effet, bien qu’une grande majorité des États africains ait ratifié la Charte, reconnaissant ainsi la compétence du Comité à leur égard, force est de constater que ce dernier n’a reçu que 16 communications depuis sa création. Parmi ces communications, seulement 6 ont fait l’objet d’un traitement final.
Ce résultat n’est pas sans conséquence sur l’efficacité du Comité, car il remet en cause les efforts de promotion et de protection des droits de l’enfant. En effet, il est étonnant de constater que le Comité n’ait été confronté que par très peu d’affaires malgré les violations fréquentes des droits de l’enfant.
Cela peut se justifier par son caractère peu connu, car au regard des autres organes du système africain, le Comité est, de loin, le moins saisi. Par conséquent, il devient nécessaire de mener des activités de sensibilisation afin de susciter un intérêt sur le continent.
L’insuffisance des missions d’investigation.
Conformément à l’art.45 de son traité fondateur, le Comité africain des droits de l’enfant a la possibilité de recourir à toute méthode appropriée pour enquêter sur les questions relevant de la Charte. En cela, près de 10 groupes de travail et rapporteurs spéciaux ont été nommés au sein du Comité afin de rendre compte de la situation des droits de l’enfant qui prévaut dans les États.
Ainsi, selon les indications du site web du Comité, seulement 3 missions d’enquête ont été déployées dans les États parties, notamment en Tanzanie (2015), en République du Soudan du Sud (2014) et en République centrafricaine (2014). Il ressort que le Comité accorde plus d’importance aux missions de suivi de ses recommandations qu’aux enquêtes de terrain.
Pourtant, à l’heure où les défis en matière de protection des droits de l’enfant sont énormes, il apparait nécessaire de multiplier les efforts d’investigations dans l’objectif de trouver de solutions pour renforcer la protection des enfants. En effet, des situations bien compliquées telles que, les conflits armés, la pauvreté, les discriminations, les pratiques néfastes exigent une large appréhension.
Conclusion.
Ainsi, entre avancées et limites, le Comité africain des droits de l’enfant se présente, après 20 ans, comme une jeune institution qui a besoin de plus d’efforts et de soutien pour accomplir sa mission. À l’heure actuelle, nous osons fonder espoir sur une protection plus efficace des droits de l’enfant d’ici 2040.