Compte rendu : « Reconnaître une personnalité juridique pour les grands fleuves et autres cours d’eau : un renouveau nécessaire du droit international ? »

Du 20 au 22 octobre 2021, s’est tenu, de manière dématérialisée, le 50e Congrès annuel du Conseil canadien de droit international. Pour cette édition le thème était Remettre le droit international sur les rails ? À cette occasion, la Société québécoise de droit international a présenté une conférence présidée par le professeur Charles-Emmanuel Côté, de la faculté de droit de l’Université de Laval et intitulée Reconnaître une personnalité juridique pour les grands fleuves et autres cours d’eau : un renouveau nécessaire du droit international ?

Yenny Vega Cardenas, Présidente de l’Observatoire international des droits de la nature s’est d’abord exprimée quant à la reconnaissance générale de droits à la Nature. Madame Vega Cardenas a débuté son propos en expliquant que la reconnaissance de tels droits s’est effectuée en deux temps.

Premièrement, la Nature s’est vu reconnaitre des droits dans les systèmes juridiques internes de plus d’une trentaine de pays. Pour ne citer que quelques exemples ; en 2008, l’Équateur a modifié sa Constitution pour y reconnaitre des droits à la Terre-Mère (Pachamama), la Nouvelle-Zélande a doté le fleuve Whanganui de la personnalité juridique par une loi de 2017, aux États-Unis de nombreuses résolutions allant également dans ce sens voient le jour.

Deuxièmement, il est apparu une émergence de ces droits de la Nature au niveau international. En 2017, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme a reconnu que la nature avait une valeur intrinsèque et autonome ainsi qu’elle devait être protégée. De plus, chaque année depuis 1995, les États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques se retrouvent lors de Conférences des Parties (COP) afin de discuter des enjeux environnementaux. C’est l’occasion, notamment, de discuter d’une possible reconnaissance de droits pour la Nature. La COP 26, se déroulant à Glasgow , actuellement, du 31 octobre au 12 novembre, est l’occasion d’évoquer grandement l’attribution de droits à la Nature.

Madame Vega Cardenas a enfin souligné les impacts importants qui découleraient de l’octroi de la personnalité juridique à la Nature. L’attribution de la personnalité juridique a avant tout une valeur symbolique très importante. Elle permettrait de reconnaitre un préjudice écologique méritant réparation aux éléments naturels. De plus, la gouvernance de l’environnement se verrait encadrée et structurée afin de limiter les conflits d’intérêts entre les Gouvernements.

La conférence s’est poursuivie par la prise de parole du chercheur à l’Institut de recherche pour le développement du Centre de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, Victor David.

Monsieur David a développé l’argument d’octroyer aux océans, et notamment à l’océan Pacifique, la qualité de sujet de droit international. En effet, il a, à plusieurs reprises soulevé le besoin présent de protéger l’environnement dans son ensemble qui est aujourd’hui menacé par les changements climatiques et les activités anthropiques. Il existe actuellement de nombreuses dispositions sur le droit de la mer or celles-ci se heurtent à la souveraineté des États. Les États ont le devoir de protéger la nature et les océans, mais il n’existe pas de dispositions universelles permettant de protéger les océans en faisant abstraction des frontières. Monsieur David, invite alors la société internationale à promouvoir la rédaction d’une convention universelle sur les droits de la Nature comportant des dispositions de protection des océans en tant que sujets du droit international.

Le professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et président du conseil d’administration de la SQDI, Daniel Turp, s’est en dernier lieu exprimé, afin de commenter les observations relevées antérieurement.

Le professeur Turp a divisé son propos en deux parties : l’étude des eaux intérieures (fleuves, rivières, lacs…) et ensuite l’étude du statut des océans en tant qu’eaux internationales. Concernant les eaux intérieures, le droit national prévaut largement de nos jours. Certains États ont alors accordé à des éléments de la Nature une personnalité juridique ; ils sont alors titulaires de droits et des mécanismes ont été créés afin d’assurer leur respect. Les développements nationaux en la matière se multiplient ce qui laisse espérer la naissance de principes généraux de droit, de coutumes locales ou régionales qui seront appliquées comme sources du droit international. Il est alors important de relever qu’une évolution est en marche vers la création de nouveaux sujets de droit dans les ordres internes pouvant potentiellement amener à la création de nouveaux sujets dans l’ordre juridique international.

Ensuite, le professeur Turp mentionne qu’il existe effectivement des dispositions internationales sur le droit de la mer : la Convention de Montego Bay de 1982 est la plus importante. Elle oblige les États à assumer des obligations par rapport à la mer et aux océans, or elle n’est nullement universelle.

Selon, lui l’évolution sur la protection de la Nature est dans le bon sens. Avec le temps, les États vont parvenir à l’idée nécessaire de créer de réels droits universels à la Nature. Il conclut en évoquant qu’il vaut mieux être un sujet de droit international incomplet plutôt que de n’en être pas un du tout.

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